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  • Photo du rédacteurBenoit Viot Delforge

Gestion du temps de Travail

Heures sup, récupération en RTT, horaires collectifs ou individualisés, gestion des pauses… Chaque jour, l’employeur doit faire des choix tout en respectant les dispositions légales et conventionnelles. Le point avec Carole Florent, gérante d’instituts et organisatrice du salon Beauty Prof’s. 





Profession bien-être : Une des premières questions qui se posent, c’est la durée légale du travail en institut. Dans quelles conditions, peut-on demander des heures supplémentaires aux esthéticiennes ? 

Carole Florent :Chacun sait que la durée légale du travail en France est de 35 heures par semaine, mais il ne faut pas confonde durée légale et «temps de travail maximum». En fait, la durée légale de 35 heures sert uniquement de référence pour calculer la rémunération d’une esthéticienne à temps plein, car son dépassement déclenche automatiquement le décompte des heures supplémentaires.

En revanche, la gérante peut tout à fait demander des heures supplémentaires aux esthéticiennes, en fonction des besoins de l’institut. Il lui suffit simplement de respecter les trois seuils suivants : 10 heures par journée au maximum, 48 heures par semaine au maximum et, au plus, 220 heures supplémentaires par an. 

Ces trois contraintes se cumulent. Par exemple, il est impossible d’excéder 48 heures dans n’importe quelle semaine de travail, quand bien même la durée annuelle maximum serait respectée. Idem pour une journée de travail, qui ne peut dépasser 10 heures en esthétique, même si la semaine comprend moins de 48 heures au total.

On comprend qu’en définissant ces seuils, la loi pose la journée de 10 heures ou la semaine de 48 heures comme des exceptions. En effet, un simple calcul montre qu’en moyenne, le volume d’heures supplémentaires hebdomadaires ne doit pas dépasser 4 heures pour respecter la contrainte maximum des 220 heures par an. Les heures supplémentaires sont toujours calculées semaine par semaine, et non au mois.


La direction peut-elle imposer une récupération des heures supplémentaires en RTT au lieu de les rémunérer ?

Absolument. Dans la limite des seuils que je viens d’évoquer, la patronne d’un institut dispose d’une grande latitude sur la question du volume comme de la répartition des heures de travail de chaque salariée. Maintenant, dans les deux cas, des règles spécifiques de calcul s’appliquent. Les heures supplémentaires effectuées par une esthéticienne doivent être rémunérées à taux majoré de la façon suivante : + 25 % par rapport au taux horaire de base, pour les heures de travail allant de 36 à 43 heures par semaine, et + 50 % par rapport au taux horaire de base, pour les heures de travail à partir de 44 heures. 

En cas de récupération des heures supplémentaires, l’employeur est tenu de respecter un délai maximum de quatre mois. Au-delà, toutes les heures supplémentaires non récupérées devront être payées. En outre, la récupération doit être prise par demi-journée ou journée entière, sous forme de RTT.

Enfin, l’esthéticienne a droit à une récupération supérieure à la durée totale des heures supplémentaires effectuées, selon le calcul suivant : + 25 %, de 36 à 43 heures, et + 50 %, après 44 heures de travail. Je vous donne un exemple : une esthéticienne qui a effectué une semaine de 40 heures, soit + 5 h supplémentaires, a droit à un repos compensateur de 5 x 1,25 soit 6,25 heures en tout. Pour une semaine de 42 heures, soit +7 heures supplémentaires, la récupération sera de 7 x 1,5, soit 10,5 heures.


Est-on au travail dès que l’on est dans l’établissement ? Et a-t-on fini de travailler lorsque l’institut ferme ?

Il faut préciser d’emblée un point important : la durée de travail rémunérée des esthéticiennes ne se limite pas aux horaires d’ouverture de l’institut. Selon la convention collective de l’esthétique, elle doit aussi comprendre d’autres moments assimilés à du temps de travail effectif, comme le temps d’habillage et déshabillage, s’il existe une tenue obligatoire, le temps nécessaire pour effectuer les procédures d’ouverture, comme la mise en place du magasin ou l’ouverture de la caisse, et le temps consacré aux procédures de fermeture : pointage de caisse, comptage de la monnaie, nettoyage etc. 

Comme il est difficile en pratique de chronométrer chaque jour l’ensemble de ces tâches, une allocation d’heures, forfaitaire et réaliste, peut être prévue. Il est d’ailleurs conseillé de l’inscrire dans le contrat de travail (par exemple, 5 à 10 minutes de temps de travail alloué en ouverture le matin et 10 à 15 minutes en fermeture le soir).


Qu’en est-il des pauses ?

Selon le Code du travail, les pauses prises dans la journée peuvent être décomptées du temps de travail. La convention collective a néanmoins prévu un dispositif plus favorable aux salariées dans certains cas. Ainsi, selon les cas, les pauses prises dans un institut peuvent constituer – ou non – du travail effectif.

L’expérience montre que de nombreux litiges en institut concernent des désaccords sur la durée de travail. Or, c’est à l’employeur qu’incombe l’obligation d’apporter la preuve du nombre d’heures réellement travaillées si le conflit est porté devant un tribunal, et c’est une lourde obligation. Les gérantes d’instituts de beauté sont donc tenues d’effectuer un décompte précis de la durée de travail de chaque salariée incluant les heures supplémentaires éventuelles.

Afin de prévenir tout conflit, je conseille de conserver à l’institut un registre signé quotidiennement par les esthéticiennes et comportant les horaires individuels de début et de fin de travail. Ce document pourra faire foi en cas de contestation du temps de travail par la salariée. En effet, s’il n’existe pas de système d’émargement ou de pointage dans les instituts, tout moyen rapporté par l’employée, comme une annotation manuelle dans un agenda, peut être reconnue par un tribunal !


Un institut de beauté est rarement ouvert 35 heures par semaine. Comment déterminer les horaires de travail ?

Il est vrai que l’institut est soumis à une amplitude horaire plus importante : ouverture à 9/10 heures et fermeture à 18/20 heures, avec ou sans coupure à l’heure du déjeuner, 5 à 6 jours par semaine. Or, comme nous l’avons vu, l’employeur dispose d’un pouvoir de direction étendue concernant l’organisation du travail. Mais l’amplitude horaire, coupure(s) comprise(s), c’est-à-dire le nombre d’heures entre l’arrivée et le départ du lieu de travail, ne peut excéder 13 heures.


La direction peut-elle imposer des horaires de travail variables d’une semaine à l’autre ?

Oui, la gérante d’un institut est libre d’imposer les horaires de travail. En pratique, lorsque l’institut emploie des salariées, les esthéticiennes se voient remettre un planning à la semaine ou au mois, avec des rotations d’équipes.

Le planning d’une esthéticienne à temps plein est donc susceptible de varier d’une semaine à l’autre, que ce soit au niveau des jours travaillés, mais aussi du nombre d’heures travaillées selon les jours. Seuls les cas d’abus manifestes du pouvoir de direction peuvent être sanctionnés. Par exemple, les changements de plannings non justifiés, ciblant une personne en particulier de manière discriminatoire…

Là encore, il existe des règles. La gérante est tenue de remettre des emplois du temps individuels au moins sept jours ouvrés avant leur entrée en vigueur. Les litiges étant fréquents sur la question des plannings, il est fortement conseillé d’afficher, et de conserver, à l’institut, un planning d’équipe que doit signer chaque esthéticienne une semaine avant son entrée en vigueur.


Peut-on imposer à une esthéticienne de travailler en journée continue ?

La tendance actuelle, venue des centres commerciaux, est à l’élargissement des horaires d’ouverture sur la journée, ce qui peut générer des questions sur l’organisation du travail. Par exemple, de plus en plus d’instituts restent désormais ouverts toute la journée non-stop, abandonnant la traditionnelle pause entre midi et 14 heures. Pour passer de la journée «coupée» à la journée «continue», l’accord de l’esthéticienne salariée est obligatoire, l’inverse étant vrai si l’institut souhaite imposer des horaires en «coupé».

Existe-t-il une journée de repos obligatoire ?

Seul le dimanche s’impose comme un jour de repos obligatoire, en dehors des cas particuliers d’autorisation d’ouverture. Le second jour de repos, obligatoirement plein, peut être librement imposé par l’employeur et peut même varier d’une semaine à l’autre, sous réserve de respecter un délai de prévenance suffisant. Seule exception : si le jour de repos est stipulé dans le contrat de travail. Dans ce cas, l’accord du salarié en cas de changement est obligatoire.


Les pauses ont-elles une durée obligatoire ? 

Prises sur le lieu de travail ou à proximité, les pauses dans le travail correspondent à tous les moments où une employée est libre de vaquer à ses occupations sans entrave. Dans ce domaine, le Code du travail n’institue qu’une obligation : une pause obligatoire de 20 minutes après 6 heures de travail. 

Cette pause peut être fractionnée et prise par anticipation avec accord de l’employeur. Ainsi, une esthéticienne qui travaille de 9 heures à 16 heures peut se voir accorder deux pauses de 10 minutes (à prendre avant 15 heures) durant lesquelles elle sera libre de téléphoner, sortir fumer, boire un café, etc. En revanche, les apprenties et employées en esthétique qui sont mineures bénéficient d’un droit de pause étendu à 30 minutes qui s’applique au-delà de 4 heures consécutives de travail

Précision utile : bien qu’obligatoires, les pauses ne sont pas rémunérées et ne sont donc pas comptées dans le temps de travail. Elles décalent donc l’horaire de sortie.


Et pour le repas ?

Selon le Code du travail, le temps accordé pour déjeuner est assimilé à une simple pause. La pause déjeuner n’est donc obligatoire que si la journée de travail atteint 6 heures, avec une durée minimum de 20 minutes. Cependant, dans ce cas, la convention collective impose aux instituts que la pause déjeuner ne soit pas décomptée du temps de travail : toute pause déjeuner inférieure ou égale à 30 minutes doit être rémunérée. C’est le cas, par exemple, dans les instituts où les esthéticiennes vont déjeuner rapidement par roulement.

Mais l’employeur peut aussi imposer une coupure plus longue, parfois à heure fixe, notamment lorsque l’institut ferme à l’heure du déjeuner. Dans ce cas, la pause déjeuner, supérieure à 30 minutes, n’est pas rémunérée.


©PBE Sisak Von Saxenburg

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